La législation nationale exemptant temporairement les organisateurs de voyages du remboursement intégral en espèces a été jugée incompatible avec le droit de l’UE (Affaire C-407/21)

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Comme prévu, certains des litiges concernant la résiliation des contrats liés aux voyages en raison de l’épidémie de Covid-19 ont été portés à l’attention de la CJUE. Le 8 juin, la Cour a rendu deux arrêts établissant que les lois nationales qui exemptaient temporairement les organisateurs de voyages de l’obligation de remboursement intégral ne sont pas compatibles avec le droit de l’UE. Ici, nous examinons l’affaire C-407/21.

Faits de l’affaire

En mars 2020, au début de l’épidémie de Covid-19, le gouvernement français a adopté une ordonnance visant à préserver la trésorerie et la solvabilité des prestataires impactés par la pandémie. L’ordonnance a établi que « lorsqu’un contrat de vente de voyages et de séjours est » résilié « entre le 1er mars et le 15 septembre 2020, l’organisateur ou le détaillant peut proposer, au lieu d’un remboursement intégral des paiements effectués au titre du » contrat résilié « , un avoir [voucher] que le client peut utiliser sous certaines conditions» (paragraphe 12). L’offre serait valable 18 mois et, après cette période, si elle n’était pas acceptée, le commerçant aurait été tenu de fournir un remboursement complet. La disposition dérogeait à l’article 12, paragraphes 2 et 3, de la directive 2015/2302 sur les voyages à forfait et les prestations de voyage liées. Ces dernières dispositions, combinées, établissent que si l’organisateur ou le voyageur résilie le contrat en raison de « circonstances inévitables et extraordinaires (…) affectant l’exécution du forfait ou affectant de manière significative le transport des passagers jusqu’à destination », le voyageur a le droit de un remboursement intégral.

Deux organisations de consommateurs[Union fédérale des consommateurs – Que choisir (UFC) et Consommation, logement et cadre de vie (CLCV)]ont saisi le Conseil d’État d’un recours contre le ministre de l’Économie, des Finances et du Redressement , demandant l’annulation de l’ordonnance. L’UFC et la CLCV ont fait valoir que la commande était contraire à l’article 12, en vertu duquel le consommateur a droit à un remboursement intégral dans les 14 jours suivant la résiliation du contrat. La juridiction de renvoi a relevé que des remboursements complets immédiats à tous les consommateurs pouvaient avoir mis en péril l’existence même des opérateurs et donc la possibilité pour ces consommateurs de l’obtenir ; il a suspendu la procédure et saisi la CJUE.

Le commerçant peut-il fournir un bon au lieu d’un remboursement en espèces ?

La CJUE observe que bien que la directive ne définisse pas la notion de « remboursement », le sens courant du terme renvoie au « fait de restituer à une personne une somme d’argent que cette personne a versée ou avancée à une autre personne ‘ (paragraphe 25). En outre, l’article 12, paragraphes 2 et 3, fait référence à un paiement effectué. Selon la Cour, il s’ensuit donc que la notion se réfère bien à la restitution d’espèces. En outre, le fait que le remboursement doit être effectué dans les 14 jours à compter de la résiliation précise que le remboursement doit être effectué en espèces : ce court délai garantit en effet que le voyageur pourra à nouveau « disposer librement de la somme dépensée pour le paquet » (paragraphe 30). Recevoir une somme d’argent, écrit la Cour, protège mieux les consommateurs que recevoir un bon, et assure ainsi un niveau plus élevé de protection des consommateurs, qui est l’objectif de la directive (paragraphe 33). La directive doit donc être interprétée en ce sens que l’organisateur d’un voyage à forfait est tenu de fournir un remboursement intégral sous la forme d’une somme d’argent. Toutefois, cela n’empêche pas le voyageur d’accepter volontairement un bon si l’option du remboursement en espèces reste disponible.

Et s’il y avait une pandémie mondiale ?

Le Conseil d’État demande à la CJUE si la directive doit être interprétée en ce sens qu’elle oblige les commerçants à effectuer un remboursement intégral en espèces dans les 14 jours alors même que, en raison d’une pandémie mondiale, cela risquerait de mettre en péril l’existence de l’ensemble du secteur des organisateurs de voyages. Au préalable, cependant, la CJUE doit établir si l’article 12, paragraphes 2 et 3, point b), sur les circonstances inévitables et extraordinaires, s’applique à l’ordonnance française concernant l’épidémie de Covid-19. En substance, il doit établir si la pandémie peut être qualifiée de circonstance inévitable et extraordinaire. La Cour répond à la question par l’affirmative et fait valoir que, à coup sûr, il faut considérer qu’une crise sanitaire à l’échelle mondiale rend « impossible de voyager en toute sécurité jusqu’à la destination convenue dans le contrat de voyage à forfait » (considérant 31, directive ). En outre, l’épidémie de Covid-19 doit certainement être considérée comme indépendante de la volonté du voyageur (article 3, paragraphe 12, définissant ce qu’est une circonstance inévitable et extraordinaire). L’article 12 s’applique donc aux contrats résiliés en raison de la pandémie mondiale.

Le force majeure hypothèse et protection des consommateurs

Le gouvernement français soutient également que la pandémie de Covid-19 constitue un cas de force majeure permettant ainsi une dérogation à l’article 12. Toutefois, comme l’a relevé l’avocat général, travaux préparatoires de la directive, il ressort que la notion de circonstance inévitable et extraordinaire était censée remplacer et mettre en œuvre de manière exhaustive celle de force majeure (par. 55-56). Cela étant, aucune dérogation n’est autorisée puisque l’article 12, paragraphes 2 et 3, ne le prévoit pas. Une telle dérogation abaisserait le niveau de protection des consommateurs pour les voyageurs dont le contrat est résilié en raison de la pandémie et dont la situation est protégée en vertu de l’article 12 (paragraphe 61). Une législation nationale du type de l’ordonnance française est donc contraire à la directive (paragraphe 62).

Comme suggéré par le gouvernement slovaque, un force majeure allégation peut également être utilisée pour faire valoir qu’un État membre n’a pas respecté le droit de l’Union lorsque «la non-conformité d’une législation nationale avec les dispositions d’une directive est justifiée par des motifs cas de force majeuree afin de garantir que cette législation puisse continuer à s’appliquer pendant la période nécessaire» (point 68). Cet argument n’est pas transposable à l’ordonnance française : l’application de celle-ci, en suspendant l’obligation de remboursement « ne se limite pas aux seuls cas où de telles contraintes, notamment financières, se sont effectivement produites, mais s’étend à tous les contrats résiliés pendant la période de référence , sans tenir compte de la situation financière spécifique et individuelle des organisateurs de voyages concernés» (point 70).

La solution des aides d’État

La Cour observe en outre que le gouvernement français, contrairement à d’autres États membres, a décidé de ne recourir à aucune mesure d’aide d’État autorisée en vertu de l’article 107, paragraphe 2, point b), TFUE. Le recours aux aides d’État aurait permis de surmonter le problème de liquidités que le gouvernement considérait comme justifiant une dérogation au droit de l’UE. À la lumière de tout ce qui précède, la directive doit donc être lue comme empêchant les États membres de libérer temporairement les professionnels de l’obligation de remboursement intégral afin de surmonter le problème de solvabilité apparu en raison de la pandémie mondiale.

Principe de coopération sincère

Enfin, le Conseil d’État demande si une juridiction nationale saisie d’un recours en annulation d’une réglementation nationale contraire au droit de l’Union peut aménager les effets dans le temps de sa décision, afin d’éviter les dommages résultant de l’annulation. Il y a eu des cas où cela a été autorisé, en présence de « considérations impérieuses liées à la protection de l’environnement ou à la nécessité d’éliminer une menace réelle et sérieuse de perturbation de l’approvisionnement en électricité » (paragraphe 82). La CJUE exclut cependant de manière décisive qu’une menace pour les intérêts économiques des voyagistes soit comparable à une menace pour l’environnement et l’approvisionnement en électricité. Le gouvernement français lui-même avait en fait noté que les dommages seraient « limités » (paragraphe 84). Au regard du principe de coopération loyale, le droit de l’Union doit ainsi être interprété en ce sens qu’il ne permet pas au juge national d’ajuster les effets dans le temps de sa décision d’annulation d’une législation contraire à l’article 12, paragraphes 2 à 4, de la directive.

L’arrêt souligne le caractère impératif des dispositions de la directive et renforce ainsi le rôle central des consommateurs au sein du marché intérieur. En recevant un remboursement intégral en espèces dans les 14 jours suivant la résiliation, les consommateurs peuvent librement disposer de cette somme et l’investir dans d’autres activités d’achat non empêchées par la pandémie (par exemple, les livraisons Amazon). En outre, une fois de plus, il ressort clairement que les intérêts des consommateurs occupent une place prépondérante dans l’Union et que leur prévalence sur les intérêts financiers des commerçants reste incontestée également dans des périodes exceptionnelles telles que celles de la pandémie de Covid-19. C’est notamment le cas lorsque des mesures alternatives telles que les aides d’État auraient permis au gouvernement français de prévenir les problèmes de solvabilité potentiellement rencontrés par les voyagistes.

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